L’angoisse… d’un assujettissement
– Mamoun Moubarak Dribi –
le 20 août 2024
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L'angoisse définition Lacan - Séminaire : la relation d'objet
L’angoisse, القلق
par cette relation extraordinairement évanescente عَبْرَ هذه العلاقة الهائلةُ الإضْمِحْلاَلْ
par où elle nous apparaît chaque fois مِنْ أين تظهر لنا في كل مرة,
que le sujet est, يكون فيها المرء
si insensiblement que ce soit, مهما كان غير مُلاحَظْ
décollé de son existence, مُقَلَّعٌ من تواجُدِهِ
et où pour si peu que ce soit il s’aperçoit و حَيْثُ مهما قَلَّ ما يمكن له إدراكه
comme étant sur le point d’être repris كما لو أنه على وَشَكِ أَنْ يُأْخَذَ ثانِياً
dans quelque chose que vous appellerez في شَيْءٍ , يُمْكِنُكُمْ تَسْمِيَتُهُ
ce que vous voudrez suivant les occasions : ما تريدون حَسَبَ المناسبة
image de l’autre, tentation, صورة الآخر, إغراء
bref ce moment où le sujet est suspendu باختصار, هذه اللحظة عندما يصبح المرء مُتَدَلٍّ
entre un temps où il ne sait plus où il est, بين وقت لا يعرف أين هو
vers un temps où il va être quelque chose نحو وقت حيث سيكون شيئًا
qu’il ne pourra plus jamais se retrouver, لا يمكن له أبدا أن يجد نفسه
c’est cela l’angoisse. هذا هو القلق ====================================================
Dans le précédent article sur l’angoisse, j’ai essayé de poser quelques bases nécessaires à la compréhension de l’angoisse, afin de rendre plus visible les contours qui permettent de la distinguer de la peur. Si ces deux phénomènes demeurent conjointement liés, il est important de savoir les repérer pour mieux les analyser et espérer les résoudre. Pour se faire, je vais présenter dans le présent article, une angoisse bien spécifique, que l’éminent Lacan appelle : « l’angoisse d’un assujettissement ». Cette étude de cas a été traité par lui au niveau du séminaire « les formations de l’inconscient » où il a repris « l’analyse du cas Hans » cet enfant Allemand souffrant de phobie, pris en charge à l’époque par Freud.
Il est à rappeler qu’au niveau de l’angoisse en générale et de l’angoisse d’un assujettissement en particulier se jouent certaines choses cruciales :
1. L’étape phallique primitive chez l’enfant,
2. L’émergence des identifications perverses,
3. La crise œdipienne,
4. la structure homosexuelle,
5. La structure psychotique.
Il est important de souligner, que nous nous situons ici au niveau de la datation au-delà de la période « infans » et en-deçà de la période dite « puberté psychologique chez l’enfant » cf. Les complexes familiaux. Cette période appelée à outrance par « relation fusionnelle entre la mère et l’enfant » que Lacan critique sévèrement, quand il nous rappelle, qu’il suffit que la mère pose par terre son enfant, pour le voir gambader un peu partout. Néanmoins, toutes les structures fondamentales se mettent en place à ce stade.
L’enfant seul face au désir de la mère, au caprice ou à la déstructuration
A la lecture du graphe Lacanien, nous pouvons voir l’instance « assujet » au niveau de son entrée, que seule la flèche de la loi peut en arrêter le parcours, pour permettre l’émergence de l’instance « sujet ». Interrogeons-nous un instant : qu’est-ce qu’un sujet ? et pourquoi tous les grands théoriciens de l’analyse structurelle parlent à l’unanimité de « sujet » ?
Je préfère vous laisser lire cette belle définition du sujet écrite par l’éminent Lacan :
« Le sujet n’est-il que le sujet du discours, en quelque sorte arraché à son immanence vitale, condamné à la survoler, à vivre dans cette sorte de mirage qui découle de ce redoublement qui fait que tout ce qu’il vit, non seulement il le parle, mais que, le vivant, il le vit en le parlant, et que déjà ce qu’il vit s’inscrit en un ἔπος [epos : discours], une saga tissée tout au long de son acte même ? » cf. : Séminaire l’identification
Le sujet est sujet de quelque chose, on dit qu’un tel est sujet à une quinte de toux !! ce qui signifie qu’il est malade de cette quinte de toux, ou bien qu’il a comme symptôme cette quinte de toux…
Nous avons aussi les « sujets du Roi »
Sans oublier La présence du sujet au niveau de la noèse.
Et surtout le sujet du désir… surtout le désir de l’Autre
Qu’en est-il de l’enfant « assujet » ?
Pour répondre à cette question, je vais introduire cet extrait du séminaire « Les formations de l’inconscient » :
« Premier temps. Ce que l'enfant cherche, en tant que désir de désir, c'est de pouvoir satisfaire au désir de sa mère, c'est-à-dire à to be or not to be l'objet du désir de la mère. Il introduit donc sa demande, ici, en A, dont apparaîtra là, en Δ', le fruit, le résultat. Sur ce chemin se posent deux points, celui-ci qui correspond à ce qui est ego, et en face celui-là qui est ici son autre, ce à quoi il s'identifie, ce quelque chose d'autre qu'il va chercher à être, à savoir l'objet satisfaisant pour la mère. Dès qu'il commencera à lui remuer quelque chose au bas de son ventre, il commencera à le montrer à sa mère, histoire de savoir si je suis bien capable de quelque chose, avec les déceptions qui s'ensuivent.
Il le cherche et il le trouve dans la mesure où :
1. la mère est interrogée par la demande de l'enfant.
2. Elle est aussi, elle, à la poursuite de son propre désir,
3. et quelque part, par-là s'en situent les constituants.
Au premier temps et à la première étape, il s'agit donc de ceci - le sujet s'identifie en miroir à ce qui est l'objet du désir de la mère. C'est l'étape phallique primitive, celle où la métaphore paternelle agit en soi, pour autant que la primauté du phallus est déjà instaurée dans le monde par l'existence du symbole du discours et de la loi. Mais l'enfant, lui, n'en attrape que le résultat. Pour plaire à la mère, si vous me permettez d'aller vite et d'employer des mots imagés, il faut et il suffit d'être le phallus. A cette étape, beaucoup de choses s'arrêtent et se fixent dans un certain sens.
Selon la façon plus ou moins satisfaisante dont le message se réalise en M, peuvent se fonder un certain nombre de troubles et de perturbations, parmi lesquels ces identifications que nous avons qualifiées de perverses. »
L’identification au phallus
L’enfant « assujet » va être débusqué dans cette position, littéralement « pris la main dans le sac ». Vous l’aurez compris, il s’agit de l’identification de l’enfant au phallus. Il est le phallus de sa mère. Le père joue à ce niveau un rôle crucial. Son rôle d’interdicteur est essentiel, c’est à ce niveau que se joue la crise œdipienne. Une crise qui devra avoir lieu, au risque de laisser la porte ouverte à de terribles troubles…
La Castration : une opération symbolique
Il est essentiel pour que l’action du père aboutisse, qu’elle soit médiée par la mère. N’oublions pas que la castration est une opération symbolique, elle agit non pas sur l’organe de l’enfant !! Mais sur le contenu du Message qui lui parvient de la mère !! Une mère qui ne s’ébranle pas dans sa position, qui est celle de demeurer solidaire de l’enfant !! et qui à l’inverse, fait la loi au père soit en le défiant, soit en l’obligeant à remettre en cause sa position « d’interdicteur » en arguant depuis sa position d’épouse. Elle ramène à elle, la question qui visait l’enfant !!
· la mère exprime sa lassitude ou son étouffement en tant qu’épouse, dès que le père met en œuvre la castration, qui l’implique mais ne la vise pas !!
· la mère entre dans une souffrance psycho émotionnelle, arguant qu’elle met tout en œuvre pour l’ambiance familiale soit sereine et paisible !!
Mis en cause, hélas, bon nombre de pères, doutent, cèdent ou explosent !!
La solution consiste à faire place vide, au risque de laisser l’enfant englué dans cette position « d’assujet » avec la mère. L’enfant s’étant identifié au phallus, verra son sort scellé !! Comme nous le rappelle l’éminent Lacan « à trop s’approcher du phallus, beaucoup de dégâts arrivent ». La porte est alors ouverte, sur la perversion, la phobie ou la psychose…
La question qui se pose ici ne signifie pas une soumission aveugle de la part de la mère à la parole du père !! Ou bien comme le pensent certains que Lacan qualifie de : « l'ornière de l'analyse sociologique environnementale » qui n’ont de façon d’être que dans la gentillesse, la délicatesse et mille et un protocole d’approches dans leurs manières d’être !!
C’est bien d’être aimable, la question n’est pas là. L’enjeu se situe au-delà de l’affectif ou de l’émotionnel. C’est un fait structurel.
L’enfant a besoin d’entendre le Dieu Tonnerre !!
Être assujet va perturber la personnalité de l’enfant durablement, et tout son potentiel intellectuel et scolaire. Cela va aussi affecter toutes ses relations aux autres, pour les laisser évoluer uniquement dans les sphères de la séduction et de l’agressivité, avec une prédominance du sexuel, de la parade et de la défiance…
La carence en signification est quelque chose de terrible, que rien au niveau du réel ne saura ni ne pourra compenser…
A suivre