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L'angoisse

L’angoisse

– Mamoun Moubarak Dribi –

Auteur et chercheur en psychanalyse et sciences du comportement – 15 août 2024


S’il est une chose très difficile à comprendre voire dans certains cas à diagnostiquer, c’est l’angoisse. Elle est avec les affects très difficile à cerner. L’humain de par sa nature d’être pensant et parlant, a besoin d’être rassuré au niveau de sa maitrise de soi !! Depuis toujours l’homme craint la folie tout en l’admirant !! des philosophes en ont fait l’éloge, comme Michel Foucault dans « éloge de la folie », où il relate que chacun de nous a plus ou moins expérimenté certains abords de la folie sans pour autant délirer. Des états de dépersonnalisation, ou des expériences de rêves éveillés, ou de non maitrise de soi !! etc…


Le rapport a la raison est tellement important au niveau de notre équilibre, que nous avons besoin de ce sentiment d’assurance et de maitrise de la réalité tant externe qu’interne. Si nous réussissons plus ou moins à maitriser notre réalité externe, grâce notamment à notre famille, nos amis, aux institutions que nous offre la société moderne et surtout grâce à la technologie digitale. Nous avons, aujourd’hui grâce à elle accès à tout avec une certaine facilité, il suffit d’avoir les moyens financiers adéquat et tout nous est livré jusqu’entre les mains !!


Mais dès qu’il s’agit de notre réalité interne dans sa dimension psycho émotionnelle en rapport à notre capacité intellectuelle, l’affaire est toute autre chose !! Maitriser ses émotions, ses sensations et ses sentiments devient presque impossible. Demandez son avis à quelqu’un qui souffre des phénomènes de Mentisme, pour mesurer combien la chose est terrible voire effrayante !! Contrôler ce qui se passe en soi, comprendre ce qui se passe en soi, mettre les mots justes pour expliquer à l’autre ce qui se passe en soi… ce qui a toujours semblé facile, devient avec l’apparition du symptôme quasi impossible. Le sujet qui en fait l’expérience, est plongé dans le doute et la panique…


Une frayeur inexpliquée, la peur de mourir, la peur du noir chez un jeune enfant, la peur d’être enlevée ou violée chez une(ou un) jeune ado… la peur de rencontrer des gens inconnus, la peur d’être rejeté et ne pas avoir l’estime de l’autre… vous l’aurez remarqué, on ne sait parler que de peur !! car la peur nous présente un objet bien tangible au niveau de sa réalité effrayante !! Tous les humains ont le même réflexe dès qu’ils entendent parler de la peur : ils se mettent en alerte ! ils deviennent presque solidaires. Par contre dès qu’il s’agit de l’angoisse, ils ont en générale deux types de réactions : soit ils s’éloignent de vous, soit ils intellectualisent à outrance en prodiguant au pauvre sujet angoissé mille et une recette pour surmonter son angoisse !! amplifiant du même coup l’angoisse qui se diffuse parmi eux du fait de la proximité du sujet angoissé. C’est alors la fuite dans la ratiocination là où ils croient user de rationalisation… pour peu que le sujet angoissé souffre de mentisme, et c’est la vrille assurée !!


L’éminent Lacan est parmi les rares théoriciens à s’être attaqué à l’analyse de l’angoisse, son apport est fort louable et tellement pertinent quoi que très difficile d’accès, mais l’effort est récompensé à qui sait se présenter avec humblesse, assiduité et patience.

Je ne prétends pas dans cet article faire un quelconque résumé de ses travaux si complexes et si riches consacrés à l’angoisse. Mais juste utiliser certaines idées clés pour rendre autant que possible la compréhension de ce qui est en jeu dans l’angoisse.


Prenons le cas de la frayeur, de la gêne ou de l’instabilité devant une situation anxiogène. Ce qui est toujours sous-jacent à tous ses phénomènes, c’est l’imaginaire. Essayons de mesurer ce qu’il en est avec Lacan quand il nous dit : « L’aliénation c’est l’imaginaire en tant que tel… ». Observons quand il emploie le mot « aliénation » il s’agit au premier degré de la folie, mais en fait il s’agit de toutes choses qui aliènent l’esprit de l’homme en entravant ses capacités extraordinaires par lesquelles il se distingue, à savoir :

• Penser

• Analyser

• Parler et discuter

• Se contrôler

• Trouver des solutions et les faire évoluer dans le temps,

• Planifier des stratégies avant d’agir

• Se Verrouiller dans la patience


De quoi est il question au niveau de l’imaginaire ?

Il s’agit du rapport de l’homme à l’image, nos pas uniquement l’image fixe, comme dans un portrait ou une photo !! mais une image animée, comme dans une vidéo. C’est là l’angle mort au niveau de la branle imaginaire, et l’effet néfaste qu’elle met en œuvre au niveau de l’inconscient !!

Nous oublions, d’où nous vient la mesure !! qu’est ce qui nous sert de référent, quand nous opérons pour symboliser ou appréhender quelque chose en rapport avec notre Innenwelt(cf. Jakob Johann von Uexküll) notre univers intérieur, si proche et lointain en même temps !! Ce qui nous sert en fait d’après la théorie du stade du miroir (Cf. Lacan) c’est l’image de notre corps au niveau de ses deux dimensions :

1. L’image physique

2. L’image spéculaire

Ce sont ses deux dimensions qui vont structurer notre imago et notre représentation des choses.

Nous disions donc, devant une situation hautement anxiogène, il y’a l’imaginaire qui se déchaine qui va rencontrer l’angoisse. La conjonction des deux (l’imaginaire et l’angoisse) peut entrainer de graves troubles mentaux et psychologiques. Alors il est préférable pour le sujet de fixer son attention sur quelque chose qui lui fasse peur !! il s’agit en fait d’une fomentation de l’esprit !! Une fomentation inconsciente sans aucun doute.  Rappelons ici que nous avons certaines forces en nous dont nous pouvons en citer 5 :

1. La force de l’esprit

2. La force psychique

3. La force physique

4. La force mentale

5. La force intellectuelle


Ce quelque chose qui fait peur va devenir l’objet prééminentde toute l’attention du sujet, et deviendra le souci et l’inquiétude principale du sujet tant au niveau de ses pensées que de ses émotions !! dans certaines situations bien précises. Ce sont ces situations qui nous renseignent sur le contexte déclencheur qu’il faudra absolument situer de manière individuelle. Sans jamais oublier que cette situation afférente à l’objet effrayant est en fait un vecteur signifiant, qui pointe et indique toute une galaxie de significations !! ignorer cet aspect là au niveau du problème, c’est réduire la richesse de l’humain, et sa complexité à de simples combinaisons binaires !! C’est l’échec assuré.


N’oublions jamais que l’humain c’est aussi et surtout sa subjectivité quant à son rapport à la question d’être homme ou d’être femme. La question au désir et au fantasme, à la volonté voire à la volition, Où il lui faudra s’éprouver devant des interrogations subtiles et tenaces, et je ne dis pas « interrogations existentielles » mais plutôt « ontologiques » pour essayer de répondre à trois questions :

I. Qui suis-je ?

II. Que suis-je ?

III. Suis-je ?


L’angoisse se présente sous diverses formes dont l’angoisse d’anéantissement !! Où le sujet ressent véritablement, qu’il n’est plus en possession de ses moyens, qu’il n’est plus en position d’être… Ce n’est pas pour rien que Sartre a écrit avec brio : « l’être et le néant »

A suivre…

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